Gabon : Brice Laccruche Alihanga vide son sac sur les 5 ans de règne insidieux des Bongo-Valentin

L’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo, Brice Laccruche Alihanga (BLA), a enfin livré les dessous de l’ère post-AVC d’Ali Bongo : le régime Bongo-Valentin qui avait pris les rênes du pays en raison de la maladie du chef de l’État. Dans une interview accordée ce lundi soir à TV5Monde, BLA a décrit un système « Bongo-Valentin » fonctionnant comme dans les films de mafias et cartels : dès qu’on y entre, on n’en sort que par la prison ou la mort.

Noureddin Bongo Valentin, le fils d’Ali Bongo, a beau le démentir, il était bien le maître du Gabon durant la convalescence et le "retour" aux affaires de son père, soit la période allant d’octobre 2018 à la chute du régime familial le 30 août 2023. Cinq ans de règne sans mandat officiel, où le fils devint président bis, jusqu’à créer son propre cartel présidentiel baptisée "Young Team", selon les révélations de Brice Laccruche Alihanga, l’un de ses ex principaux artisans.
Une loyauté trahie, un refus de monarchie dynastique
Invité du Journal Afrique, BLA a tout balancé – ou presque – sur ces années troubles où le fils voulait devenir calife à la place du calife. Il raconte avoir été convoqué au domicile de Noureddin Bongo en novembre 2019 : « Je suis convoqué à son domicile. Il me regarde et me dit : “Brice, écoute, mon grand-père, Omar Bongo, était président. Mon père, Ali Bongo, certes malade, est président. Et moi, je serai président du Gabon.” » La suite, on la connaît. Pour avoir dit non au calife junior, l’étau judiciaire se referme en moins d’un mois sur lui.
BLA reçu en audience par Ali Bongo quelques jours avant sa disgrâce
« Quand je dis non au prince qui voulait devenir roi à tout prix, je signe mon arrêt de mort », raconte-t-il. Dès lors, la machine judiciaire s’active. Faux, usage de faux, détournements de fonds… Les accusations pleuvent, le palais jubile. En décembre 2019, soit un mois plus tard seulement, Brice Laccruche Alihanga est jeté en prison pour n’en ressortir qu’en octobre 2023, grâce à la volonté du président Oligui Nguema de libérer les prisonniers politiques du régime déchu.
Un enfermement inhumain digne des pires régimes
Autant dire que BLA revient de loin. « J’ai passé quatre années à l’isolement total, dans une cellule de six mètres carrés, sans droit à la promenade, sans droit à la visite, sans lecture. Je faisais mes besoins à l’endroit même où je dormais. Je n’arrivais pas à distinguer le jour de la nuit », décrit-il. Une justice devenue outil de terreur interne, au service d’un pouvoir familial paranoïaque.
BLA comparaissant devant une justice aux ordres de Noureddin Bongo
La preuve ? En juin 2023, trois mois avant la présidentielle, Noureddin Bongo Valentin lui rend visite en prison. « Le dernier contact que j’ai eu du directeur de cabinet Noureddin Bongo, c’était quand il est venu dans ma cellule. Il m’a clairement dit : “Je porte tes vêtements, j’habite ta maison, et après les élections, je te mettrai 25 à 30 ans. C’est décidé” », a rapporté l’ancien "messager intime" du régime déchu Une phrase glaçante, prononcée devant Ian Ghislain Ngoulou, le bras droit du fils devenu le maitre du pays.
Quand les bourreaux d’hier veulent se faire passer pour victimes
Aujourd’hui, alors que Noureddin Bongo et sa mère dénoncent une justice gabonaise comme instrumentalisée, BLA s’étonne : « Ils essaient de se victimiser. Et ça, ce n’est pas acceptable pour moi, ni pour l’ensemble des Gabonais ». Une justice qu’ils ont pourtant façonnée et utilisée durant cinq longues années pour faire taire, emprisonner, ou faire disparaître les opposants et même les proches devenus gênants.
Noureddin Bongo et son bras droit Ian Ngoulou lors de leur arrestation en aout 2023
Ce témoignage explosif devrait en tout cas réveiller d’autres langues longtemps muselées. Car la restauration de la justice gabonaise, entreprise par les nouvelles autorités, passera aussi par la parole des victimes du régime Bongo-Valentin. Et celle de Brice Laccruche Alihanga était sans doute l’une des plus attendues pour lever le masque sur l’ère Bongo-Valentin et ses nombreuses dérives.
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