Les Bongo exfiltrés du Gabon : Quand la justice de la Ve République se couche face aux puissants !

L’image n’a rien d’anodin : Ali Bongo, souriant, posant le pied sur le tarmac de l’aéroport de Luanda, accueilli comme un chef d’État en exercice. Derrière la photo officielle publiée ce 16 mai par la présidence angolaise se cache une réalité glaçante : le pouvoir judiciaire gabonais vient, une fois encore, de plier l’échine devant les puissants. Sylvia et Noureddin Bongo, placés en détention puis en résidence surveillée depuis près de 20 mois pour des soupçons massifs de détournements, ont été libérés sans procès, sans jugement, et exfiltrés vers l’Angola, sous la bénédiction de l’Union africaine.

Coup de libération à coup d’exil
L’affaire avait pourtant tout pour marquer un tournant. L’opération « mains propres » engagée après la chute d’Ali Bongo, suite au « coup de libération » du 30 août 2023, se voulait exemplaire. Des valises d’argent découvertes, des accusations de détournement de fonds publics, des procédures judiciaires engagées…
La rencontre du 12 mai entre les deux hommes aura été décisive
Et puis, plus rien. Ou plutôt, une issue qui dit tout : l’intervention du président angolais João Lourenço, en visite à Libreville ce 12 mai, venu négocier, entre deux accolades avec Oligui Nguema, la sortie de scène en douceur de son « ami » Ali et des siens. L’exfiltration s’est concrétisée trois jours plus tard. Discrète, mais symboliquement désastreuse.
La revanche d’Ali Bongo
La justice gabonaise, qui avait promis la rupture avec l’ère Bongo, vient donc de démontrer ses propres limites. Le message envoyé au peuple est clair : les puissants ne sont jamais jugés. Ils sont ménagés, protégés, parfois même honorés. Sylvia et Noureddin n’ont pas eu besoin de convaincre un tribunal, ils ont simplement bénéficié du bon réseau, du bon carnet d’adresses, de la bonne médiation.
Ali Bongo grand gagnant de son bras de fer
Leur placement en résidence surveillée, révélé le 9 mai, n’aura donc été qu’un simulacre de fermeté. Le bras de fer engagé depuis vingt mois entre Ali Bongo et ses geôliers se solde par la victoire de l’ancien président : il a refusé tout exil sans sa femme et son fils, il les a récupérés.
Une justice gabonaise impuissante devant les puissants
Derrière cette manœuvre politique, c’est toute la crédibilité des institutions judiciaires qui s’effondre. Une justice incapable de mener à terme une instruction contre ceux qui ont régné sans partage pendant 56 ans. Une justice qui frappe dur contre les faibles mais tremble devant les forts. Une justice à géométrie variable, instrumentalisée selon les convenances du moment. Et surtout, une justice à laquelle le peuple gabonais, une fois encore, ne pourra se raccrocher pour espérer vérité, réparation ou justice.
La Ve République d’Oligui Nguema, censée tourner la page des privilèges et de l’impunité, vient de signer son premier reniement flagrant. Si Sylvia et Noureddin Bongo peuvent aujourd’hui jouir tranquillement de leur liberté en Angola, peut-être demain ailleurs, c’est bien parce que l’impunité continue de gouverner ce pays. La justice gabonaise, dans ce dossier, s’est mordue la queue. Et c’est tout le système, hérité d’un demi-siècle de règne des Bongo, qui continue de survivre, envers et contre les promesses de renouveau.
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