La CNR voit toujours rouge au Gabon et dénonce les « dérives dictatoriales » du régime Oligui Nguema

Quelques semaines après fait un bilan à mi-parcours le 26 juin, des 100 jours de gouvernance Oligui Nguema, la Coalition pour une nouvelle République (CNR) en remet une couche. Elle a violemment critiqué ce lundi les récentes décisions du gouvernement gabonais, qualifiant le pouvoir post-transition de Brice Clotaire Oligui Nguema de « dérive dictatoriale » et l’accusant de piétiner les principes de l’État de droit. Dans une déclaration lue par son président Vincent Boulengui Boukosso, la CNR dresse un énième tableau sombre de la gouvernance actuelle et appelle à une réforme urgente du cadre institutionnel et électoral.

« Le pouvoir est confisqué par un seul homme »
Dans une déclaration solennelle d’une dizaine de minutes, Vincent Boulengui Boukosso a posé le ton. Pour la CNR, « tout État de droit tire sa force de la qualité de ses institutions républicaines, du respect de ses textes de loi et de l’intégrité des hommes chargés de leur mise en œuvre ». Or, selon la coalition, le régime en place ne respecte plus cette architecture juridique : « Les autorités jadis en charge de la transition, aujourd’hui en charge de l’État, sont sorties de la gouvernance propre à un État de droit ».
L’intégralité de cette déclaration
Reprenant une citation du philosophe Joseph de Maistre, popularisée par Nelson Mandela, Boukosso a martelé : « Tout ce qui est fait pour le peuple, sans le peuple, est contre le peuple ». Pour la CNR, la concentration du pouvoir entre les mains du président de la République est inquiétante : « Le peuple gabonais constate, au fil du temps, que notre pays glisse dangereusement vers un État dictatorial ».
Dénonciation des expulsions forcées et de l’atteinte à la dignité
La CNR s’insurge contre les opérations de déguerpissement massives menées depuis plusieurs mois dans les quartiers dits « spontanés ». Elle dénonce des pratiques « inhumaines » et humiliantes à l’égard des populations vulnérables : « Des destructions massives et inhumaines des habitations se font au détriment de la dignité du peuple », a accusé Boukosso.
La coalition fustige également l’exfiltration jugée illégale de membres de la famille d’Ali Bongo Ondimba, alors que ceux-ci étaient « en position de détention préventive sur la base d’incriminations particulièrement graves ». Des actes qualifiés de « graves atteintes à la légalité et aux droits fondamentaux ».
Perte de souveraineté et soupçons de favoritisme économique
Un autre point majeur de la déclaration concerne la souveraineté territoriale. La CNR affirme que le Gabon aurait perdu le contrôle des îles Mbanié, Cocotiers et Conga, pourtant non mentionnées dans la convention coloniale franco-espagnole de 1900. « Une cession silencieuse du territoire national qui engage la responsabilité politique du chef de l’État », s’est indigné le président de la coalition.
Sur le plan économique, la CNR dénonce « l’octroi répété de marchés de gré à gré, dont les coûts se lèvent à plusieurs dizaines de milliards de francs CFA », sans respect du cadre légal, notamment le décret n°0027/PR/MEPPDD du 17 janvier 2018 et l’arrêté n°08-24-MEP du 23 février 2024. Elle reproche au régime d’attribuer ces marchés « sans véritable enquête de moralité » et en l’absence d’évaluation sérieuse de l’expertise des entreprises concernées.
Une mascarade électorale dénoncée
Le point le plus alarmant pour la CNR reste cependant la « dérive électorale » actuelle, en lien avec l’organisation des législatives et locales de septembre prochain. Le décret présidentiel n°0290/PR/MISD du 7 juillet 2025, fixant la date limite de dépôt des candidatures, est jugé illégal. Boukosso rappelle que « ce décret se heurte aux dispositions de l’article 14 du code électoral » qui n’attribue pas au ministère de l’Intérieur la compétence de réception des dossiers.
Pire encore, la période de révision des listes électorales s’étendant du 14 juillet au 12 août, selon l’arrêté n°05/MISD du 8 juillet 2025, coïncide avec celle des candidatures fixée du 27 juillet au 12 août. Une incohérence grave, selon la CNR : « Comment peut-on accepter que des candidats déposent leurs dossiers alors même que la liste électorale définitive n’est pas encore disponible ? », s’est interrogé Boukosso. Et de conclure : « N’est-ce pas là mettre la charrue avant les bœufs ? »
La coalition soupçonne un mécanisme de manipulation politique : « Identifier les candidats d’abord pour mieux manipuler ensuite la liste électorale ? Voilà ce que nous craignons ». Elle rappelle que lors du putsch d’août 2023, les militaires avaient précisément justifié leur prise de pouvoir par « le désordre lié à l’organisation de l’élection jumelée ». Un an plus tard, la CNR estime que les mêmes erreurs se répètent.
Atteinte à la liberté des avocats et image internationale ternie
La CNR évoque aussi les cas d’« intimidations et séquestrations » dont auraient été victimes Maître Gisèle Nzué Bekalé, avocate inscrite au barreau du Gabon, en violation flagrante de la loi n°11/2021 du 21 décembre 2021 sur la protection des avocats.
Enfin, la coalition a dénoncé ce qu’elle considère comme « une facétie indigne » : le port, par le président Oligui Nguema, d’une casquette « Make America Great Again » à son retour d’une visite aux États-Unis. Pour Vincent Boulengui Boukosso, « le chef de l’État, garant de la souveraineté du Gabon, est apparu comme un représentant placier de Donald Trump ». Une mise en scène qu’il qualifie de « faute politique grave, contraire à la dignité de la fonction présidentielle ».
Appel solennel à la communauté internationale
Face à ce qu’elle considère comme une montée en puissance de l’autoritarisme, la CNR lance un avertissement à la communauté nationale et internationale : « La Coalition pour la Nouvelle République, dans son rôle de sentinelle, attire l’attention sur les dérives du pouvoir actuel qui font le lit du totalitarisme au Gabon ».
Elle conclut par un appel à la raison : « Les autorités gagneraient à créer, en toute responsabilité et humilité, les conditions de bonne gouvernance des institutions, au lieu de faire étalage chaque fois de suffisance et de frasques déshonorantes ». Cette sortie virulente intervient alors que le climat politique reste tendu à quelques semaines des secondes élections de l’ère post-transition.
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