Décentralisation au Gabon : Les conclusions des travaux de la 1ère commission nationale de 48h

Le processus de décentralisation est plus qu’en marche au Gabon. Les travaux de la 1ère Commission nationale de la décentralisation (CND), ouverts le mardi 17 juin à Libreville par le président Brice Clotaire Oligui Nguema, se sont achevés ce mercredi 18 juin. Présidée par le vice-président Séraphin Moundounga, cette session de 48 heures a réuni les principaux acteurs institutionnels engagés dans la réforme de l’administration territoriale. Objectif : faire évoluer le cadre de la politique publique de décentralisation, restée partiellement appliquée depuis près de trois décennies.

La rencontre s’est articulée autour de trois axes fondamentaux : la validation des mesures issues du deuxième Comité technique de la décentralisation (CTD), l’examen des projets de textes liés au transfert des compétences, et enfin la mise en place du Fonds de péréquation en faveur des collectivités locales. Ces travaux marquent un tournant décisif pour la décentralisation gabonaise, amorcée depuis 1996 sans véritable concrétisation.
Une quinzaine de ministères concernés par les transferts de compétences
L’un des moments forts de cette commission a été la présentation des compétences appelées à être transférées de l’État central vers les collectivités locales. Au total, une quinzaine de ministères sont concernés, dont les ministères de l’Intérieur, de la Santé, des Travaux publics, de l’Éducation nationale, des Affaires sociales, de l’Environnement, de l’Agriculture, du Commerce, des Finances ou encore celui de la Lutte contre la vie chère. Ces compétences couvrent une large palette de domaines allant de l’entretien des infrastructures locales à la gestion de l’eau, de l’énergie, de l’éducation et de la petite enfance.
Le ministère de la Fonction publique et celui du Renforcement des capacités ont également été sollicités pour réfléchir à l’encadrement administratif et aux besoins en formation du personnel local. Il est à noter que la compétence du ministère de la Fonction publique a été identifiée comme transversale, nécessitant une attention particulière pour accompagner les ressources humaines dans les collectivités.
Une réforme législative attendue pour cadrer le transfert
Le deuxième point stratégique des travaux a concerné l’examen des textes législatifs nécessaires à la mise en œuvre du processus. Un projet de décret d’application de l’ordonnance de programmation du transfert des compétences est actuellement en préparation, parallèlement à une révision de la loi organique sur la décentralisation. Cette évolution légale vise à encadrer juridiquement les conditions du transfert, à préciser les missions des administrations locales, et à définir les modalités d’évaluation et de contrôle des politiques locales.
Les participants ont également insisté sur la nécessité d’un mécanisme clair de coordination entre l’État et les collectivités pour éviter les chevauchements de compétence, garantir une cohérence territoriale, et assurer la continuité du service public. La prochaine étape sera la soumission de ces textes au Parlement pour ratification.
Un Fonds de péréquation pour corriger les inégalités territoriales
Le troisième pilier de la CND est la création d’un Fonds national de péréquation. Ce dispositif de financement a pour but de réduire les inégalités entre les collectivités locales en tenant compte de leur taille, de leur démographie et de leur éloignement géographique. Le fonds sera alimenté annuellement par une dotation spéciale inscrite dans le budget général de l’État, en dehors des ressources propres.
Selon les orientations retenues, 70 % des fonds seront répartis de manière égale entre toutes les collectivités, tandis que les 30 % restants tiendront compte d’indicateurs socio-économiques spécifiques. Le Fonds de péréquation devrait concerner 140 entités décentralisées. En plus de ce fonds, le gouvernement envisage de mobiliser d’autres sources de financement issues des fonds de développement locaux, notamment dans les secteurs forestier, minier, pétrolier et gazier.
Un engagement politique fort du chef de l’État
Les conclusions des travaux seront soumises au président de la CND, en l’occurrence Brice Clotaire Oligui Nguema, en sa qualité de président de la République. Ce dernier a exprimé, dès l’ouverture de la commission, sa volonté d’aboutir à une réforme réelle et pérenne de la gouvernance territoriale. Il a notamment rappelé que la décentralisation ne pouvait plus rester un vœu pieux, et qu’il fallait construire un cadre législatif, administratif et financier solide pour garantir le succès du transfert des compétences.
L’initiative est d’autant plus saluée qu’elle constitue la première étape concrète vers la mise en œuvre d’un principe inscrit dans les textes depuis 1996, mais jamais appliqué de façon effective. En relançant la dynamique de la décentralisation, le président Oligui Nguema entend rapprocher l’administration des citoyens et améliorer la qualité des services publics au plus près des populations.
Une réforme à suivre de près
Avec la fin des travaux de la 1ère CND, le Gabon semble engagé sur une voie nouvelle. La volonté politique affichée, la clarté des axes d’action, et l’implication des ministères concernés laissent entrevoir une perspective concrète de mise en œuvre. Si les textes sont rapidement adoptés et les moyens budgétaires effectivement mobilisés, cette réforme pourrait marquer un tournant historique dans la gestion du territoire gabonais.
Reste à suivre de près l’étape de la restitution au président de la République et la phase d’application concrète, qui conditionnera la réussite de cette réforme longtemps attendue par les populations locales.
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